Dans une séparation, tu ressens de la tristesse, de la solitude mais peut-être aussi de la joie car tu laisses la personne que tu aimes s’en aller réaliser son rêve. Alors, les larmes qui coulent sur nos joues sont des larmes de tristesse et des larmes de joie. Nous devons les laisser partir, même si on ne peut pas et même si on ne veut pas. On doit les laisser accomplir leurs rêves d’enfant et leurs rêves d’adulte. Si on ne les laisse pas accomplir leurs rêves, c’est qu’on n’est pas une mère. Je comprends qu’on ne le veuille pas, un enfant c’est la chair de votre chair. Mais on doit être des mères fortes. (Aurélie)
Ce texte a été rédigé par une élève de la classe de Michèle Thibaudin (école de Sennecey le Grand – CM2). L’enseignante n’est pas intervenue sur son contenu et il s’agit bien de l’expression des sentiments de cette élève. On ne peut donc qu’être enthousiasmé par la spontanéité et la profondeur des sentiments personnels évoqués.
Il ne s’agit pas d’une écriture spontanée mais plutôt du fruit d’un travail conduit dans le cadre d’un projet de correspondance scolaire à partir de l’ouvrage de François Place : La fille de Batailles.
Durant une période de 6 à 8 semaines, les classes de Michèle Thibaudin et de Pascale Bortolotti (Ecole de Mancey – CM1 CM2) ont échangé par le biais d’un forum internet mis spécialement en place sur le blog Ludomathic.
Ces échanges devaient permettre de se présenter mutuellement l’ouvrage référent. Le choix de ce dernier n’est pas anecdotique. En effet, François Place étant auteur/illustrateur il y a une parfaite complémentarité entre textes et images. C’est pourquoi, alternativement, une classe disposait des illustrations pour émettre des hypothèses (consignées sur le forum) que l’autre classe devait valider ou compléter après lecture d’extraits choisis.
Ces échanges devaient faciliter la construction collective du sens général de l’œuvre.
Imprégnés de la richesse lexicale mais aussi et surtout de l’humanité induite par le texte les élèves ont eu de multiples occasions de montrer leur intérêt pour l’activité ainsi que leur compréhension fine de cette œuvre littéraire. En témoigne le texte écrit en fin de projet par les élèves de l’école de Mancey.
Nous avons envie de vous faire lire un des textes rédigé à partir de l’illustration P.75 parce que nous l’avons beaucoup aimé :
Garance vit sa fille parmi les comédiens en train de faire ses bagages. Garance accourut vers sa fille et elles s’enlacèrent un long moment. Les roulottes partirent emportant Séraphine.
Pendant des mois et des mois, ils jouèrent dans différents endroits. Leur réputation grandissait grâce à Séraphine qui jouait de mieux en mieux. Un jour, ils reçurent une invitation du plus grand théâtre du pays. Pour cette occasion, Séraphine eut l’idée de reconstituer l’histoire de sa mère.
Le jour venu, quand Séraphine monta sur scène, elle chercha sa mère des yeux et la vit rayonnante, assise au premier rang. Séraphine raconta comment sa mère s’était échouée sur la plage, comment elle avait été vendue à Maître Martin qui l’avait recueillie et élevée au Soleil d’Or, comment elle avait rencontré Bastien et tout le reste de son histoire. A la fin quand elle eut fini, Séraphine s’aperçut que sa mère pleurait.
L’aspect correspondance scolaire par le biais d’un forum a accentué la motivation des élèves. Ils ont montré, en ces occasions, leur capacité à exprimer leurs sentiments mais aussi à s’inscrire dans une démarche constructive d’analyse des écrits de leurs camarades.
Si vous le désirez vous pouvez aller consulter les échanges entre les deux classes en allant sur la rubrique « communiquer » du site Ludomathic. Pour pouvoir accéder à cette rubrique vous devrez vous enregistrer par le biais de l’option Login (en bas à droite) en entrant les codes suivants :
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Indépendamment des aspects pédagogiques de ce projet, les adultes que nous sommes retiendront particulièrement l’humanité qui a imprégné les échanges entre les élèves lorsqu’à l’occasion d’une étude du texte des thèmes tels que la séparation ou les batailles à livrer au cours de sa vie d’adultes et d’enfants étaient abordés.
C’est cette humanité que Michèle et Pascale souhaitent évoquer quand elles écrivent :
Michèle :
« Quand les élèves prennent la parole et s’emparent du travail proposé, l’enseignant vit d’intenses moments de bonheur pédagogique. Ce fut le cas pour cet échange sur « La fille des batailles » et finir n’est possible que dans la perspective de lendemains aussi riches.
Les élèves ont réfléchi, donné leur point de vue et écrit sur des sujets graves comme la séparation et les batailles que nous avons à mener pour vivre. Certains ont évoqué avec sincérité et dignité leurs émotions face à des séparations vécues. Je les ai écoutés, encouragés mais ce sont eux qui peu à peu ont mené les discussions. Il est des moments où l’enseignant se tait quand l’échange vrai entre les élèves s’est installé et quand il sent qu’ils sont devenus ceux qui détiennent les réponses.
J’ai beaucoup appris en les entendant parler de la séparation mère-enfant, j’ai été bouleversée et rassurée par certains de leurs textes. Quand ils parlent des batailles que tout être humain doit livrer pour vivre, ils montrent beaucoup de courage, de détermination et d’optimiste. Je crois que beaucoup d’entre eux ont aussi compris le pouvoir des mots, la force du dialogue qui évite la violence et feront leur cette arme-là.
Je veux croire et je crois réellement que les messages reçus et compris par les élèves les rendent plus forts, mieux armés et confiants dans leurs ressources personnelles.
Je suis entrée dans ce projet avec des interrogations, avec le sentiment que je ne maîtrisais pas tout ce qui allait se passer et c’est tant mieux! Je pense que c’est ainsi que je laisse à mes élèves leur part, toute leur part.
Merci à Pascale pour avoir partagé cette aventure.
Merci à Gérard d’en avoir été l’initiateur, le coordinateur, le guide.
C’est une richesse et un bonheur que de partager nos sensibilités communes et différentes ».
Pascale :
« Au début, nous avons tourné les pages de ce livre comme on entrouvre la porte d’une pièce mystérieuse pour y jeter un œil curieux, pour certains même, un peu circonspect.
Mais dès les premiers écrits, le travail des élèves a pris un éclairage, un accent particulier.
Ainsi, d’une timide devinette posée le premier jour à des questionnements tout sauf anodins sur les enjeux de ces échanges, il n’y avait qu’un pas et il fut vite franchi.
Devant l’attente de leurs camarades de Sennecey, et sous la guidance discrète et bienveillante de « Monsieur Georges », une tension quasi palpable s’est installée, un défi, une sorte de dette d’honneur : comment se montrer à la hauteur de la tâche, c’est à dire comment formuler des hypothèses assez fines pour souligner l’importance d’un détail qui les avait frappés, comment faire partager la délicatesse d’un dessin, d’une situation, comment trouver les mots justes pour rendre la poésie d’un passage…
Au fil des séances, nous avons donc « bataillé », avec un plaisir gourmand et toujours croissant, les élèves s’engouffrant dans l’histoire et s’appropriant la situation avec un enthousiasme tel que les idées, les suggestions, les initiatives fusaient, bien au delà de nos attentes pédagogiques d’adultes.
Alors, baignés par l’humanité de ces personnages, par ce récit de vies, dans l’huis clos protégé de nos classes sont nés des échanges profonds et sincères, des cadeaux comme on ne peut en offrir qu’à ceux dont on sait qu’ils sauront les recevoir.
J’en reste encore toute étourdie, émue d’avoir été le témoin de cette aventure que l’on espérait belle et qui fût magnifique.
Merci à vous deux pour votre enthousiasme,
à toi Gérard pour ton initiative et pour nous avoir accompagnées, soutenues, encouragées
et à toi Michèle pour m’avoir aidée à surmonter ce trop plein d’émotions».
En pièces jointes vous trouverez un document regroupant l’ensemble des productions écrites que les élèves ont rédigé en fin de projet.
Bonne lecture à tous et un grand merci à Michèle, Pascale et tous leurs élèves pour leur implication dans ce projet.
Gérard Lamotte
Conseiller Pédagogique